« les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte ».
Ces mots du Psychologue américain Herbert J. Freudenberger sont extraits de son livre de 1980 intitulé « Burn-out: the high cost of high achievement » ( Burn-out : le prix à payer d’un grand investissement). Il a étudié les symptômes comportementaux d’employés souffrant de fatigue extrême, de désengagement, de perte de motivation et de diverses somatisations.
Le terme « Burn-out » est apparu dans les années 1970, et se traduit en français par se consumer, brûler de l’intérieur. Il n’est pas reconnu par l’académie française qui parle de syndrome d’épuisement professionnel. Personnellement, je n’aime guère cette dénomination car le burn-out peut avoir d’autres origines que le travail.
Ce terme anglais a été emprunté à l’industrie aérospatiale qui définit de « burn-out » le processus d’épuisement de carburant d’une fusée au décollage lié à la surchauffe du moteur qui risque à tout moment l’explosion. Je trouve qu’il s’agit d’une parfaite représentation qui permet de visualiser l’impact profond du burn-out.
Mais concrètement, qu’est-ce qu’un burn-out ?
Le burn-out est un état d’épuisement profond à 3 niveaux : physique, émotionnel et mental combiné à un déclinement de l’estime et de la confiance en soi. Il s’agit d’une souffrance psychique alliée à une grande détresse qui s’accumule chaque jour.
Notre façon d’être se dégrade par rapport à une situation, un contexte, une relation, un environnement qui créé alors un stress permanent et prolongé… Cette dégradation est liée à des actions répétées sur le long terme mais aussi à la manière dont nous allons vivre ces événements ainsi qu’à l’impact qu’ils vont avoir sur soi.
C’est comme si nous étions écartelés entre ce que nous devons faire et ce que nous sommes. A trop tirer, la corde finit par casser. La destruction est telle que nous sommes dépersonnalisés et que si nous allons jusqu’au bout ultime du processus, nous nous écroulons littéralement, vidés de toutes ressources.
En restant dans cette situation sans prendre en considération les symptômes, le mal être va s’accentuer pouvant s’aggraver en dépression ou en déclenchant des maladies somatiques.
Le Burn-out ne doit pas être confondu avec une dépression
En effet, le burn-out est un syndrome d’épuisement associé à une perte d’accomplissement personnel engendré par un conflit de valeur, et un stress de longue durée. La perte d’intérêt et le cynisme ne concernent que l’origine de cette tension psychique.
Alors que la dépression est une maladie caractérisée par : une profonde tristesse, perte de motivation, désintérêt pour tout, diminution des facultés de décision, troubles alimentaires ainsi que du sommeil, sentiment de désespoir pouvant aller jusqu’aux pensées morbides voire suicide.
Néanmoins, le Burn-out peut conduire à la dépression.
Comment un Burn-out peut se déclarer ?
La survenue d’un burn-out n’arrive pas encore à ce jour à être clairement définie. Cela dépend de plusieurs facteurs, mais aussi de notre faculté personnelle à réagir face à une situation et de notre capacité à gérer psychologiquement ce moment à cet instant.
Le burn-out peut provenir d’autre source que le travail comme la parentalité ou de pressions dans sa vie personnelle. Parfois cela peut-être la conséquence de plusieurs causes distinctes.
Les recherches démontrent qu’il y aurait des facteurs individuels liés à la personnalité mais également des facteurs environnementaux, comme l’environnement de travail, social, familial, vie privée ainsi qu’aux conditions de nos relations au sein de ces différents environnements.
Exemples de facteurs environnementaux :
- Surcharge de travail
- Conflits dans les ordres, demandes contradictoires
- Missions, tâches mal définies ou ne répondant pas à la fiche de poste
- Menaces
- Discrimination
- Humiliations, rabaissements
- Harcèlements
- Grande polyvalence
- Pressions régulières sur les délais, les objectifs, les résultats à atteindre
- Tâches imprécises ou objectifs mal définis, voire irréalisables
- Absence de contrôle ou au contraire trop de contrôle
- Mauvaise communication
- Conflits
- Manque de formations, de connaissances
- Manque de soutien
- Nouveau projet qui n’aboutit pas
- Impossibilité de se dégager du temps pour soi
- Inégalité dans le partage des tâches
- …
Exemples de facteurs individuels :
- Perfectionniste
- Grande implication
- Être consciencieux(se)
- Forte conscience professionnelle
- Sens du travail bien fait
- Fort respect de la hiérarchie
- Peur de la perte d’emploi
- Amour profond pour son travail et le statut qu’il donne
- Sens du devoir, des responsabilités
- Forte exigence envers soi même
- Déséquilibre entre temps de travail et personnel
- Sentiment d’être tout le temps dans l’urgence, d’être débordé(e)
- Manque de reconnaissance
- Importantes responsabilités
- …
Personne ne doit se sentir coupable d’être victime d’un Burn-out. Ce n’est pas parce que nous parlons de personnalité que cela implique que nous sommes responsables de notre état. Les raisons qui conduisent au burn-out sont multiples.
Toutefois, on ne tombe pas si le contexte et l’environnement ne sont pas propices à tomber !
Ce n’est pas une façon d’être qui conduit au burn-out, mais le fait que notre investissement prolongé et éreintant a mis en conflit nos valeurs avec certaines actions, relations, obligations et contraintes… Ce qui serait tout à fait supportable sur du court terme va sur le long terme modifier totalement nos capacités ainsi que notre état intérieur. Nos repères sont bousculés, l’émotionnel prend le dessus face à un stress de plus en plus présent. Et c’est ainsi que nous perdons pied dans cette spirale infernale qu’est le burn-out.
Qui est concerné par le burn-out ?
Il n’existe pas de profil précis. Le burn-out peut toucher n’importe qui du simple employé, au cadre moyen en passant par le PDG, mais aussi des étudiants, des enfants, des mères de famille, des mères ou pères au foyer et même des personnes sans emploi… Le burn-out n’épargne aucun individu de notre société, et touche de plus en plus de personnes chaque année partout dans le monde.
La société donne l’image de la femme parfaite, de l’homme parfait, de l’étudiant parfait, de l’enfant parfait, de la famille parfaite. Nous devons concilier étude, carrière, et vie personnelle. Il faut être sur tous les fronts et tout gérer comme des supers héros. Sans jamais baisser les bras, sans jamais trébucher.
En France, la vision de l’échec est très négative. Il est diffusé l’idée que l’échec c’est mauvais, l’échec c’est mal, craquer, pleurer, dire non, c’est être faible. C’est cette croyance limitante qui nous amène à adopter des comportements impropres à notre façon d’être, et irrespectueux de nos propres limites humaines.
Il existe différents burn-out :
Le burn-out professionnel
C’est le Burn-out qui est le plus connu.
Mais pourquoi ce syndrome est-il autant recensé chez les personnes actives professionnellement ?
Aujourd’hui le monde du travail ainsi que notre société actuelle font que les conditions de travail se dégradent et que le stress devient le compagnon de notre quotidien.
D’ailleurs, lors des recrutements la question qui revient souvent est : « Comment gérez-vous le stress ? ».
Et cette question ne choque personne ?! C’est à l’employé de s’adapter au stress au lieu de revoir l’organisation, les conditions de travail, la charge de travail, les moyens de l’entreprise ?
On nous en demande de plus en plus, car il faut toujours accroître le rendement, la productivité, réduire les coûts, les temps de réalisation et les effectifs, aller encore plus vite et atteindre les résultats coûte que coûte mais à quel prix ?
Est-ce que l’ambition de réussite, de prospérité, de gain doit être au détriment de notre propre santé ?
Souvent, il y a une inadéquation entre le résultat demandé et les moyens mis en œuvre pour y arriver, ce qui génère de plus en plus de souffrances psychiques.
Face à cet alourdissement de la demande de résultat, l’emploi quant à lui devient incertain, le chômage et les emplois précaires augmentent, les salariés sont de plus en plus mis en concurrence… On a peur de perdre son niveau de vie, son salaire, son travail, son statut social.
La charge de travail augmente, la pression s’accroît, la quantité d’informations à gérer, à mettre en application s’intensifie grâce à l’informatique (e-mails, internet, réseau intranet, etc…). Les nouvelles technologies ne permettent plus de décrocher aussi facilement qu’avant car nous avons accès à distance d’une facilité déconcertante aux données de notre travail via le téléphone portable, la boite mails, les logiciels accessibles depuis internet… Sans s’en rendre compte nous devenons plus facilement joignables même quand nous ne travaillons pas. On se sent et on nous rend indispensable.
Toutes ces insécurités, ces craintes font que nous arrivons à accepter des conditions, des demandes qui sont contraires à nos valeurs, à nos capacités personnelles et même humaines.
A vouloir devenir indispensable, on en devient contre productif et ces concessions affectent considérablement notre état de santé.
Le burn-out de la femme active et des familles monoparentales
Avant les femmes ne travaillaient pas, elles restaient au foyer pour gérer la maison, élever les enfants. Désormais les femmes doivent gérer leur carrière tout en gérant d’une main de maître la maison et les enfants. La répartition des tâches n’est pas toujours équilibrée dans les familles, car l’image de la femme qui doit entretenir la maison et s’occuper des enfants est encore ancrée dans les mœurs. C’est ainsi que beaucoup de femmes doivent jongler entre le rôle de mère, d’éducatrice, de femme active, de femme d’affaire, de femme amante, de femme d’intérieure, de cuisinière… Et toutes ces responsabilités, elles doivent les accomplir et parfois sans avoir le soutien nécessaire, sans pouvoir prendre du temps pour elles.
Cependant, n’oublions pas qu’il y a de plus en plus de couples séparés, les hommes sont eux aussi concernés car ils se retrouvent de plus en plus à gérer seuls tous ces rôles en une journée sans faillir. Ils ne sont donc pas à l’abri.
Le burn-out parental
Il y a aussi l’arrivée d’un enfant dans une famille. Bien que l’on nous prévient qu’il va falloir réorganiser notre vie, que cela va être un bouleversement, nous nous rassurons en se disant que ce sont les autres qui gèrent mal, que nous savons faire, nous avons d’ailleurs beaucoup de principes quant à l’éducation future de cet enfant.
Puis bébé est enfin là et nous nous inquiétons de tout, nous avons peur de mal faire, et les nuits s’écourtent pendant de longs mois, alors que la fatigue s’installe. Nous nous mettons la pression pour être un super parent, mais petit à petit le parent parfait que nous avons imaginé n’est pas à l’image de ce que nous sommes réellement. Nous avons le sentiment de ne pas être à la hauteur. Les cris, les pleurs deviennent un vrai supplice, un calvaire. On se met à envier notre vie d’avant, ce qui fait culpabiliser de mal vivre la parentalité. La société idéalise tellement la naissance, l’arrivée d’un enfant. Devenir parent est sensé être le plus beau moment de notre vie, alors pourquoi on vit un vrai cauchemar ? On se sent anormal, avec le sentiment d’être un mauvais parent, de ne pas être capable de bien s’occuper de son enfant ce qui enfonce dans la situation de mal être.
Le burn-out parental peut toucher l’un des deux parents ou parfois même les deux.
Le burn-out de l’enfant
Étrange et inquiétant mais malheureusement un enfant peut lui aussi être en burn-out. Pourquoi ? Car nous en demandons de plus en plus aux enfants, la perfection inonde nos idéologies, nos écrans, nos écoles. Les enfants doivent suivre eux aussi un rythme effréné chaque jour entre le lever de bonne heure, la garderie tôt le matin, les cours, la garderie du soir, les devoirs, le bain, les heures des repas, le coucher. Les centres, colonies pendant les vacances avec des horaires bien calés tout comme quand ils sont à l’école, les activités extra-scolaires qui viennent s’ajouter au peu de temps libre qu’ils ont pour voyager dans leur imaginaire d’enfant nécessaire à leur développement. Nous leur demandons sans cesse d’être poli, joviale, gentil, d’écouter, de bien travailler, d’être bienveillant, d’avoir de bonnes notes, de faire attention à leurs affaires, d’être propre et autonome…
En fait, nous modélisons nos enfants, dés leur plus tendre enfance afin qu’ils rentrent dans un cadre construit à notre image et à l’image idéaliste de notre société. Nous souhaitons en faire des mini-adultes responsables, en oubliant qu’ils sont des enfants et qu’ils ont leur propre personnalité, que le jeu, les bêtises, l’imagination sont utiles pour leur construction intérieure, et que l’enfance est une phase importante dans leur développement.
Un verre d’eau renversé, des miettes par terre, une tâche, un objet cassé sont peut-être dérisoire face au sourire d’un enfant qui est là pour s’initier. On inculque à nos enfants que faire des erreurs c’est mal.
Ne devrions-nous pas plutôt apprendre de nos enfants en s’inspirant de leur façon d’être plus tôt que de les réduire à un rôle inférieur d’ignorant ? Ils ont surement plus à nous apporter sur la gestion de notre vie, de nos émotions, du lâcher-prise et du bonheur que ce que nous pouvons leur en apprendre.
Le burn-out de l’étudiant
Il en est de même pour les étudiants, très tôt il faut qu’ils sachent ce qu’ils veulent faire plus tard, dans quelle filière se tourner et ne pas se tromper car c’est mal vu de changer en cours de route.
Ils ancrent en eux qu’il faut bien travailler à l’école, qu’ils doivent faire des études longues pour réussir dans la vie s’ils veulent devenir « quelqu’un ». Ils sont éduqués avec la croyance que c’est par leur métier qu’ils vont s’accomplir dans leur vie. Donc, pour eux sans travail acharné, sans pressions personnelles, il est impossible de réussir.
Et s’ils échouent c’est non seulement un échec pour eux mais aussi pour leurs parents qui misent tout sur eux. Le stress des parents avant les examens, les compétitions, leur mettent encore plus la pression, car si leurs propres parents sont stressés, il est impossible qu’ils ne le soient pas. « Si papa et maman s’inquiètent, c’est que j’ai des raisons de m’inquiéter ! » Et ils veulent d’abord faire plaisir à leurs parents avant de se faire plaisir à eux même. Alors très tôt ils prennent des tranquillisants ou des médicaments pour passer dans de bonnes conditions leurs examens, pour bien dormir, pour gérer leur stress… Mais n’est-ce pas inquiétant d’en arriver à la médication, avant même d’avoir commencé leur vie d’adulte ?
Le burn-out, l’épuisement professionnel, le syndrome d’épuisement… peu importe le nom que nous lui donnons. Il s’agit d’un mal qui prend de plus en plus d’ampleur dans notre monde. Tous les pays sont touchés, tout comme nous sommes tous concernés à l’image de la société que nous créons. Une société parfaite de surconsommation au détriment de notre qualité de vie, de notre bien être et de notre santé. C’est l’oubli de ces priorités au profit de la prospérité et de l’argent qui nous a conduit à ce style de vie néfaste pour l’humanité.
L’espoir est dans la rationalité de l’esprit humain qui reprendra le dessus, car nul ne peut vivre dans l’insécurité de ne pas répondre à ses besoins profonds tout en anéantissant ce qui est bon pour soi.